Des députés au service du lobby des bars

Depuis des années le lobby des bars et leurs alliés tentent de faire modifier le cadre législatif en matière de nuisances sonores. Côté lobby nous trouvons Culture Bar-Bars et côté politique tout d’abord Sandrine Mazetier* (députée PS de Paris), Frédéric Hocquard** (maire-adjoint de Paris PS chargé de la nuit) et maintenant Annaïg Le Meur*** (députée LREM du Finistère) et Gilles Le Gendre*** (député LREM de Paris). 

Suite à notre article et l’envoi d’un message à tous les députés, Annaïg Le Meur nous a adressé un message qui ne nous a pas convaincus et qui nous a même confortés dans notre analyse (Annaïg Le Meur défend « son » amendement sur l’antériorité)

Ils demandent que l’article L112-16 du code de la construction et de l’habitation soit modifié. Que dit cet article? « Les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions. »

Le diable se cachant dans le détail, la modification semble anodine. Ils veulent que soient ajoutés trois mots à cet article: « touristiques, culturelles, sportives« .

Il s’agit du principe de la « pré-occupation » ou de l’antériorité. Quel impact pour les habitants des villes? Ils ne pourront plus se plaindre si un établissement génère des nuisances sonores dès lors que le fauteur de trouble sera installé avant l’arrivée de l’habitant victime de ces nuisances. 

Les arguments avancés par ces élus représentants du peuple dans leur proposition de loi laissent rêveurs : « … les relations juridiques qui s’établissent entre acteurs de la nuit apparaissent singulièrement déséquilibrées. Les riverains disposent de tout un arsenal juridique afin de faire valoir leur droit légitime à la tranquillité et au sommeil : infraction de tapage nocturne, réparation des troubles anormaux du voisinage, signalement auprès des services de mairie… Pour autant, ces outils ne sont pas toujours utilisés à bon escient et un exploitant de bonne foi se trouve parfois totalement démuni face aux procédures infondées ou malveillantes. »

Il est assez évident que ces deux députés n’ont jamais eu à souffrir des nuisances sonores générées par un bar sous leurs fenêtres et qu’ils n’ont jamais eu à essuyer le refus du commissariat de prendre leur plainte, à attendre en vain l’intervention de la police suite à leur appel au milieu de la nuit car dans l’impossibilité de dormir, à se faire menacer par des exploitants de bars indélicats… 

Sur le site de l’Assemblée Nationale il est précisé que « chaque député, bien qu’élu dans un cadre géographique déterminé, est le représentant de la Nation tout entière. Ainsi, à l’Assemblée nationale et dans sa circonscription, chaque député agit et parle au nom de l’intérêt général et non pas au nom d’un parti politique, d’un groupe d’intérêt ou d’une région. »

Il semble donc que la nature de leur mandat de député ait échappée à Mmes Mazetier et Le Meur ainsi qu’à M. Le Gendre. En faisant cette proposition de loi, ces députés ne représentent pas la Nation toute entière et ne parlent pas au nom de l’intérêt général. Ils agissent au service du lobby des bars qui se targue dans Ouest France de leur avoir rédigé ce texte (!). L’amendement a été adopté mais la loi n’est pas encore votée. 

Le Réseau Vivre Paris! et le Réseau Vivre la Ville!, avec toutes leurs associations adhérentes à Paris comme dans toute la France, feront tout ce qui est en leur pouvoir pour que cet amendement « mercantile » ne voie jamais le jour. Mais les vieilles lunes ont décidément la peau dure !!!

Lire nos articles précédents sur le principe d’antériorité que nous combattons depuis des années:


* proposition de loi pour une urbanité réussie, de jour comme de nuit (sic!) du 13 juillet 2011

** notre article du 5 décembre 2017 : Selon traxmag Frédéric Hocquard « planche sur un principe d’antériorité »

*** proposition de loi visant à mieux protéger les activités sportives, culturelles et touristiques déjà existantes du 19 novembre 2019

7 Comments

  1. Olivier Chalvignac

    Bravo pour cette réponse!! C’est incroyable que les riverains ne soient jamais invités à être entendus sur ces sujets. Seuls les lobbies des bars ont droit à l’écoute, et on rajoute pour faire écran les activités touristiques et sportives, comme si le fait d’habiter à côté d’un stade générait les mêmes nuisances que l’activité nocturne. Quelle autre activité empêche les gens de dormir à 3h du matin?

  2. Marion

    J’habite dans le Marais depuis les années 80, et ne suis certainement pas la seule, à avoir emménagé il y a très longtemps, bien avant l’existence de ces établissements bruyants, et aucun d’eux ne m’a demandé mon avis! Je trouve le principe d’antériorité absurde et le projet de loi contraire à tous les principes républicains.

  3. Monique

    Il est bien entendu que ce droit d’antériorité ne peut se concevoir sans réciprocité et, partant, tout établissement installé postérieurement à un riverain-voisin-victime de ses nuisances devra décamper illico presto à la première demande ! Oyez Oyez, bonnes gens, qu’on se le dise… Mieux, tout habitant devrait pouvoir se prévaloir d’une antériorité d’occupation de son lot au titre de logement, que l’occupant ait changé ou pas avant ou après l’ouverture du nuisible… On peut rêver ! Cette revendication d’antériorité par les bars n’est pas nouvelle, et avait tenté de s’imposer en d’autres temps lors des très partiaux « États généraux de la Nuit », mais n’avait provoqué qu’incrédulité et ironie, et s’était évanouie sous le ridicule. Ils peuvent aussi rêver !

  4. Réseau "Vivre Paris !"

    Nous comptons sur vous, Mesdames et Messieurs les députés, pour ne pas adhérer à un amendement qui, alors qu’il comporte des enjeux sociétaux majeurs, a surgi sans rapport direct avec la loi débattue, et sans évaluation de son impact.

  5. DAST

    A Toulouse, les riverains se sont rassemblés en collectif Droit Au Sommeil Toulouse et diffusent des vidéos de la situation subie du fait des abus que s’autorise le lobby des bars avec la complicité des élus. Une association milite également pour obtenir le respect de la loi et le droit des habitants.
    Pourquoi ne pas faire la même chose chez vous?

    https://www.facebook.com/DroitAuSommeiI.Toulouse/

  6. Une victime des nuisances gérées par des bars

    Et si ces mêmes riverains utilisaient cette proposition de loi “à l’envers”, à savoir faire fermer un établissement bruyant qui s’établirait dans un lieu calme.

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