Symbole de l’art de vivre à la Parisienne nos célèbres terrasses de cafés concourent pour décrocher un label d’excellence : l’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Si l’on ne devait en référer qu’au seul imaginaire partagé par beaucoup d’entre nous, on ne pourrait que valider cette démarche tant les terrasses des cafés parisiens reflètent un lieu de vivre ensemble proche de la perfection. Nous avons tous rêvé devant les célèbres clichés de Robert Doisneau ! Mais voilà, nous parlons de terrasses imaginaires qui n’existent plus que dans les équipes de communication de l’Hôtel de Ville chargées de vendre à des millions de touristes un mode de vie à la Parisienne que les moins de 20 ans ne peuvent absolument pas connaitre.
Si l’on trouve encore quelques terrasses avec une véritable identité de quartier, la majorité sont d’une effroyable banalité. Avec leurs nombreuses rampes électriques, elles s’insèrent souvent mal dans nos rues et ne sont plus, depuis longtemps, le lieu de rencontre du voisinage. N’ouvrant éventuellement que tard dans l’après-midi et jusque tard dans la nuit, chauffées une bonne partie de l’année, elles sont là pour accueillir les fêtards et les touristes de la vie « festive », alcoolisés, peu concernés par les graves et multiples nuisances causées aux riverains.
Tels des Japonais dans le métro parisien, les inspecteurs de l’UNESCO en charge de cette inscription seront donc rapidement désorientés par la triste réalité de nos terrasses défigurées par la seule recherche du profit à outrance.
Alors que les questions climatiques, épidémiologiques et la nécessité d’un développement durable s’imposent à tous, faut-il que la Mairie de Paris soit crédule ou totalement inféodée au lobby des bars et de l’alcool pour croire que cette vénérable institution internationale accueillera chaleureusement sa demande de sacraliser, en l’état, les actuelles terrasses des bistros parisiens ?
Franchement ce projet prêterait à sourire si l’objectif n’était pas d’utiliser une image d’Épinal dans le seul but de pérenniser et si possible d’encore renforcer la prospérité de l’exploitation privative de la voie publique dans des conditions que toute personne censée se doit, en réalité, de dénoncer.
C’est pourquoi nous attirons l’attention de la prochaine Maire de Paris sur son propre règlement des terrasses de 2011 et surtout sur le rapport alarmant établi sur ce sujet par l’Inspection Générale de la Ville de Paris en 2016 et nous l’invitons à tirer les leçons de la désastreuse expérience de Carcassonne.
Comme dit le proverbe : l’enfer est pavé de bonnes intentions.
En complément de cet article un article signé Jean-François Bayart et publié sur le blog de Mediapart dont l’analyse concernant les terrasses est proche de celle de la nôtre même si la Réseau Vivre Paris! ne partage pas l’appel à la pêche à la ligne pour résoudre les problèmes : Anne Hidalgo n’a rien compris au film.
Et pour finir quelques exemples de terrasses fort éloignées des visions « à la Doisneau » et qui auront du mal à séduire l’UNESCO.
Tout à fait d’accord avec votre article, très juste, à mon sens. Il y a un leurre délibéré et parfaitement malhonnête, car il existe bien un monde entre la riche histoire culturelle des cafés parisiens et ces bistrots et bars qui sont plutôt des lieux de beuverie et de fête bruyante. Le concept de terrasse y étant d’ailleurs très relatif, puisque le propre de ces établissements, est de laisser boire debout, sur le trottoir, en groupes compacts. Rien à voir avec ces terrasses paisibles, qui étaient comme des balcons pour la rêverie en ville. Mais que peut-on demander à une municipalité qui semble tout ignorer de l’histoire de Paris, et qui de plus, profite éhontément de l’ignorance de ses visiteurs, ou encore de celle de bien de ses néo-habitants ? Dans cette fascination de la majorité municipale pour la « fête » et la consommation tous azimuts, on peut voir une illustration à contresens de ce malheureux titre de Hemingway, pris à la lettre et mis à toutes les sauces.