Les 14 et 15 septembre s’est tenu la Conférence nationale de la vie nocturne à la Cité de la Mode, à Paris. Plusieurs membres des Réseaux « Vivre Paris! » et « Vivre la Ville! » y ont assisté.
Notre compte-rendu de la table ronde « Co-construire une politique de la vie nocturne, entre fantasmes et réalités ».

La table ronde réunissait un représentant de la Préfecture de Police de Paris, des élus de différentes villes d’Europe (Londres, Rotterdam, Nantes, Bordeaux), deux représentants des riverains appelant au développement de la vie nocturne (Zurich et Nantes), un membre du Réseau « Vivre la Ville ! » médecin des hôpitaux, un représentant de l’UMIH-SNEG, le chargé de mission du conseil de la nuit de Paris étant chargé de présenter les résultats d’une enquête faite par l’EFUS sur les pratiques de régulation de la nuit dans différents villes d’Europe.

Les débats étaient répartis en deux temps : les modes de régulation de la vie nocturne / les leviers et obstacles pour le développement de la vie nocturne. Ils ont été fort instructifs à différents points de vue.

D’abord, les débats ont permis de prendre la mesure d’une volonté de différents municipalités d’opérer un véritable changement de paradigme, selon ce qu’en attendent des organisations professionnelles parties prenantes ainsi que certains usagers. En effet, ce qu’ils proposent, c’est de refaçonner nos villes obsolètes selon eux car créées pour y vivre le jour, alors qu’aujourd’hui, il faudrait que la nuit soit comme le jour. D’où le projet de faire vivre la ville 24/7, sous tous les aspects possibles de la vie à terme et, en attendant, par le développement de la vie nocturne « festive ».

Ce qu’il y a eu d’absolument extraordinaire au sens étymologique du terme, c’est la pugnacité des élus présents à la tribune pour faire croire à l’inéluctabilité du changement de paradigme, dont, en réalité, ils sont parmi les promoteurs privilégiés, associés à différents parties prenantes (lobbies, noctambules), cependant que la majorité de citoyens ne les ont jamais élus sur de telles promesses électorales.

Au fil des échanges, ces élus se sont crus autorisés, sous différents prétextes, à crânement balayer l’argument de santé publique que leur a fermement opposé le médecin qui a plaidé pour la prise en considération des plaintes des riverains face aux dérives actuelles (bruit, mais aussi alcoolisation des bruiteurs, déjections et déchets sur l’espace public). Pour Bordeaux, « l’intérêt de la plateforme est que le sujet ne soit pas cannibalisé par le sommeil ». Pour Londres, les chiffres montrent qu’un pourcentage important de jeunes ne boit pas une seule goutte d’alcool, et ces statistiques montrent que ce sont les personnes les plus âgées qui boivent, qui boivent chez elles, ce qui fait qu’il vaut mieux les inviter à sortir pour éviter cette consommation d’alcool (sic). Pour Nantes, la solution se trouve par un dialogue, que la municipalité se félicite d’avoir réussi à établir, même si, le débat a, par l’effet d’une question posée par un membre du Réseau « Vivre la Ville ! », ensuite fait comprendre que les nuisances persistent encore. Pas un seul de ces élus n’a réagi face au représentant des noctambules zurichois, quand il a affirmé qu’il existerait un droit fondamental à être ivre et que la vie nocturne veut sortir de la normalité, par exemple en n’étant pas très propre (sic).

Face à ces positions, le représentant des parties prenantes à l’économie de la nuit n’a plus eu grand-chose d’autre à faire que, tout en reconnaissant qu’il existe bien des situations anormales pour les riverains, de répandre autant de fiel que possible sur les associations qui défendent lesdits riverains victimes, tout en félicitant chaleureusement les autorités publiques parisiennes de la qualité de leur office.

Pour terminer positivement, saluons l’intervention du représentant de la Ville de Rotterdam. Il n’a, en effet, n’a pas hésité à affirmer : « Notre maire pense que le logement est un droit et donc que le droit de dormir prévaut sur celui de faire la fête », tout en expliquant que les plaintes des riverains font l’objet d’un suivi personnalisé et tenace, outil de mesurage acoustique à l’appui pour vérifier si les décibels sont excessifs, dans une ville où d’un côté, il existe des établissements ouverts 24/7 et où, d’un autre côté, l’autorité publique considère que la voie publique doit être épargnée par les décibels, de sorte que les riverains puissent même ouvrir leurs fenêtres. Voici exactement la situation équilibrée qu’attendent les associations de riverains, qui n’ont aucun intérêt à tuer le commerce, mais toutes les meilleures raisons d’exiger que l’on puisse se reposer et dormir chez soi.


Le représentant de la Préfecture de police de Paris, de son côté, a affirmé que le but est de faire coexister la liberté d’aller et venir, la vie nocturne et le droit de faire la fête avec sécurité et tranquillité, en déclinant synthétiquement les règles à respecter pour les horaires et les sanctions encourues par les établissements.

Aussi navrante qu’ait été la tonalité dominante de cette table ronde, il reste que la parole des riverains qui s’y est exprimée – à la tribune ainsi que dans la salle au moment du débat – joue un rôle essentiel pour empêcher certaines villes de se croire autorisées à abuser de leur autonomie contre l’intérêt général.