Dans le cadre du Conseil de la nuit s’est tenue une réunion du groupe de travail « information et promotion de la vie nocturne » le 25 mars 2015.
Une quarantaine de personnes représentant la Ville de Paris, les préfectures de Paris et de région, des organismes de tourisme, des organisations professionnelles liées à l’activité commerciale de la nuit et Vivre Paris ! (Butte aux Cailles, Jean-Pierre Timbaud, Ménilmontant, Accomplir et Vivre le Marais !) participaient au groupe de travail « information et promotion de la vie nocturne ».
Fréderic Hocquard, conseiller de Paris délégué à la nuit, a introduit les échanges en rappelant que « la vie nocturne n’est pas déclinante » à Paris mais qu’elle n’était pas suffisamment valorisée et qu’il fallait donc la promouvoir. Il a ajouté que ce dossier était travaillé en relation avec le Secrétariat d’Etat au tourisme qui souhaitait promouvoir la nuit dans les grandes métropoles françaises. A cet égard, nous avons appris que les responsables des Pierrots de la Nuit étaient en charge pour le compte de ce ministère, d’une mission de valorisation de la nuit française à l’international… Thierry Charlois, chef de projet sur la politique de la nuit a donné des précisions sur la suite des travaux c’est-à-dire la prochaine tenue d’un comité de pilotage composé uniquement, ce qui est étonnant, de représentants de la mairie et de la préfecture. Ce comité sélectionnera, parmi les propositions des groupes de travail, les projets qui seront mis en œuvre (pour certains dès cet été). Un suivi est ensuite prévu ; aussi insiste-t-il sur le fait que le conseil de la nuit est une instance pérenne – qui se réunira deux fois par an.
Des différentes interventions, qui se sont déroulées dans un climat serein (Frédéric Hocquard avait demandé à chacun de rester courtois et de s’inscrire dans un dialogue constructif), nous retenons que beaucoup participaient en réalité pour promouvoir leur « business » ou leurs travaux (livres, sites, publications diverses sur le sujet de la nuit à Paris..). Nous avons également rafraîchi nos connaissances en anglais du marketing tant les spécialistes réunis ont rivalisé entre les « city breakers », « night trips », « music in Paris », « plug-in », « coffee shops », « flyers » et autres « dance floor »…
D’une manière générale, il apparaît pour beaucoup que Paris est à la traîne sur les villes dites « concurrentes » telles que Berlin, Barcelone et Genève. Elles sont les plus souvent citées et qualifiées d’indétrônables. Or nous savons ce qu’est la réalité depuis la conférence du 10 février dernier organisée par le réseau Vivre Paris intitulée « Nuisances nocturnes : une fatalité » ! Nous avons du reste indiqué aux participants ce que nous pensions de cette compétition artificielle entre métropoles européennes.
Les touristes intéressés par la nuit ne seraient pas suffisamment informés sur les clubs, les «lieux incroyables et cachés, les légendes parisiennes qui pourraient leur faire découvrir des choses extraordinaires ». Seuls les Folies Bergères, le Moulin Rouge et le Crazy Horse tireraient leur épingle du jeu tant Paris leur est associé, comme le sont les grands monuments. Fort curieusement, ces « atouts à l’international » ont été considérés comme des handicaps occultant la diversité des nuits parisiennes… L’office du tourisme s’est défendu car il lui a été reproché de ne pas assez s’emparer du sujet, ce qui est aussi le cas des médias de la Ville. Le manque de brochures, supports pages web…apparaîtrait comme criant et ce qui existe est rarement traduit en langues étrangères. Pour promouvoir la nuit, des campagnes d’affichage, des « flyers », des banderoles et des oriflammes sont préconisés.
Un des représentants d’un incubateur de start-up dédiées à la promotion de la nuit a rapporté cette phrase emblématique qui résume bien les préoccupations de ceux qui assistaient aux discussions : « Ce qui manque dans la vie à paris c’est l’After » ajoutant « Il faut un travail d’ingénierie pour mettre en avant la nuit à Paris». Un autre a complété ces déclarations en affirmant « La nuit n’est pas un sous-produit des activités de jour ». A un moment, un participant a même suggéré d’assouplir la réglementation sur la vente d’alcool dans l’espace public afin de pouvoir en offrir sur les lieux où des événements sont organisés. Un autre a affirmé que la nuit parisienne ne devait pas être une suite de grands événements car cela tuait les petits bars (« Boire un verre de vin rouge au comptoir, ça c’est la France, n’en déplaise aux riverains qui se plaignent du manque de professionnalisme des petits établissements de quartier… »).
Vivre Paris ! a rappelé, comme d’habitude, ne pas être contre la vie nocturne en soulignant toutefois que vouloir promouvoir la nuit à Paris n’était pas si nécessaire dès lors que Paris était la première destination touristique du monde. Il faut en fait que cette vie nocturne se passe dans des espaces dédiés qui ne gênent pas les habitants. Faut-il s’en étonner : dans cette réunion de spécialistes maîtrisant le franglais, seul Vivre Paris ! s’est fait le porte parole des préoccupations des habitants, notamment au sujet des ASB, les « anti social behaviours » (c’est ainsi qu’au Royaume Uni les autorités publiques désignent les comportements antisociaux liés aux conduites hyper alcoolisées) : nous avons ainsi montré à cet auditoire que, nous aussi, nous avions quelques connaissances d’anglais technique… D’autre part, s’il faut « faire converger et promouvoir les chartes et labels liés à la vie nocturne » (intitulé de l’une des actions proposées par la Mairie de Paris), il importe que ces homologations soient entourées du plus grand sérieux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il est aussi indispensable que les gérants des établissements de nuit reçoivent une formation professionnelle ad hoc qui intègre le respect de la réglementation en vigueur. Nous avons enfin rappelé les ravages de l’alcoolisme, un sujet de santé publique qui ne devait pas être passé sous silence.
Frédéric Hocquard a conclu en saluant ces travaux et en affirmant qu’ils permettaient l’ouverture d’un espace dynamique qui conduisait à faire évoluer les politiques publiques.