Le Réseau Vivre la Ville ! a été reçu jeudi 12 mai 2016 au Ministère des Affaires Sociales et de la Santé par des cadres de 2 directions : Prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation et Maladies chroniques.
Notre délégation était constituée de :
Anne Penneau (Réseau « Vivre Paris ! », Butte aux Cailles Paris 13è)
Gilles Pourbaix (Réseau « Vivre Paris ! », Accomplir, Paris 1er et 2ème – webmaster de notre site internet)
Jean-François Revah (Réseau « Vivre Paris ! », Collectif Riverains du 11ème) et moi même
Nicole Nussbaum (Calme Gutenberg, Strasbourg).
Nous avons souligné le lien entre protection du sommeil/repos des habitants et lutte contre l’alcoolisation. Nous avons évoqué :
- le problème essentiel que constituent les bruits de comportements tolérés sur la voie publique, la rue étant considérée comme un lieu festif ;
- la question des terrasses et établissements de nuit en tant que pôles de nuisances (bruit, fumée) ;
- la consommation d’alcool autorisée sur la voie publique depuis la loi Bachelot et demande ce qu’il est possible de faire :
- avec les outils existants, ou ;
- en créant de nouveaux outils juridiques.
S’appuyant sur différents travaux menés par des équipes spécialisées, notre délégation expose les enjeux de santé que pose actuellement le développement incontrôlé de la vie nocturne en France :
- conséquences de l’alcoolisation sur la santé (alcoolisme chronique, maladies, cancer, décès : chiffres à l’appui) ;
- conséquences sur les comportements et conduites dangereuses (troubles de l’humeur, accidents, suicides, violences, agressions physiques) ;
- coût social (rapport Kopp) ;
- le problème que pose l’offre facilitée pour les jeunes par les « happy hours » qui consiste non pas à diminuer le prix d’une consommation, mais à servir deux bières pour le prix d’une, habituant ainsi les jeunes à forcer sur la quantité d’alcool consommé.
Notre délégation rappelle les normes OMS concernant le besoin de sommeil (11h à 11 ans, 9h à 15 ans, etc…) et les conséquences du manque de sommeil (hyperactivité, manque de concentration, irritabilité, etc…).
Elle souligne le fait que les micro-réveils cassent nos cycles de sommeil, nous privant de sommeil profond, paradoxal et empêchant ainsi un repos véritablement réparateur qui permette de récupérer des fatigues accumulées.
Elle signale un rapport très intéressant du Think Tank Terra Nova (2016) intitulé « Retrouver le sommeil, une affaire publique » .
La discussion en vient ensuite aux propositions que le Réseau « Vivre la Ville ! » demande au ministère d’étudier,
à savoir :
-1/ Renverser l’article 95 L. 21/07/2009 : la loi Bachelot, en 2009, a posé un principe écrit de droit de vendre de l’alcool à emporter pour les établissements ayant une licence IV ainsi que le droit de consommer de l’alcool sur la voie publique, sauf arrêté local d’interdiction. Au vu de ce qui se passe aujourd’hui dans nos quartiers, il s’impose de renverser la règle.
-2/ Ne plus tolérer les Happy Hours : la règlementation qui les encadre n’est pas respectée. C’est notoire.
La pratique commerciale vise, en réalité, à faire boire deux fois plus et non pas à moitié prix.
-3/ Les textes de Santé Publique sont mal connus de la Police, en particulier tout ce qui touche au mesurage (à l’oreille ou pas) des nuisances sonores. Il faut y remédier.
– 4/ Il faut aussi sensibiliser la population sur les risques que présentent les troubles du sommeil dans les quartiers où les nuisances nocturnes et les comportements antisociaux privent les habitants de leur droit au repos.
-5/ Dans l’optique de la sensibilisation, l’objectivation de l’état des lieux est indispensable face au déni d’une trop large part des autorités publiques.
A cet égard, l’action de Bruitparif, qui a élaboré des sondes très perfectionnées (lesquelles lui ont valu un prix de la commission européenne : prix Best life environnement décerné le 31 mai 2016) apporte une solution efficace et facile à mettre en œuvre. Le Réseau demande un financement pour une campagne nationale qui permettrait une mise en évidence des chiffres en open data.
-6/ Il faut encadrer nationalement les exploitations de terrasse.
Aujourd’hui, la réglementation est locale. Elle est très inégale en termes de protection du voisinage des établissements.
Deux volets appellent notamment une harmonisation en regard des intérêts de santé publique en cause :
– heure du remisage des terrasses,
– nombre de clients autorisés au mètre carré.
-7/ Prendre en compte les dégâts colossaux de l’enfumage pour le voisinage immédiat de ces établissements dont les fenêtres donnent sur un fumoir à ciel ouvert.
Pour l’instant, la loi anti-fumeurs protège les clients et salariés des établissements mais ne prend pas en compte les habitants voisins des établissements de nuit.
– 8/ Introduire des mécanismes de riposte graduée pour accompagner l’application des législations et réglementations.
Le dispositif de Genève est présenté, qui prévoit une riposte progressive pour les établissements contrevenants : restrictions progressives sur les horaires d’ouverture amenant inéluctablement à la fermeture de l’établissement qui persévère dans l’infraction.
Le Réseau « Vivre la Ville ! » insiste sur l’ambivalence des lobbyings dans l’action de EFUS, AMUON, AGI-SON et l’indifférence des élus (à Strasbourg l’élu chargé de la santé Publique, médecin lui-même, le Dr Feltz, n’a pas répondu à 6 collègues membres du corps médical qui sollicitaient une entrevue avec lui au nom de l’association Calme Gutenberg).
Nos interlocutrices nous ont indiqué l’importance accordée par le ministère aux alertes et propositions de la partie de la société civile que nous représentons.
Bien évidemment, le ministère a connaissance des études que nous avons mentionnées.
Des travaux en cours ou projetés vont dans le sens de nos préoccupations. Ils doivent être poursuivis et la perspective de rencontres interministérielles que le Réseau « Vivre la Ville ! » a évoquée est considérée comme une piste intéressante.
Le Ministère nous signale « Avenir Santé » qui fait de la prévention en direction des jeunes à Lyon et que le Ministère soutient.
Le réseau « Vivre la Ville ! » pourrait ainsi être appelé à entrer dans des groupes de travail du Ministère en tant que regroupement d’associations représentant la société civile, dans une construction au long terme visant un travail législatif, réglementaire accompagné de lobbying auprès des députés qui doivent être informés de ce qui contribue à l’intérêt général.
Nous avons retenu de notre rencontre :
- La possibilité d’un axe de travail plus développé du ministère sur la question des nuisances nocturnes tenant aux comportements des usagers de quartiers dits « festifs », axe à corréler, mais néanmoins bien distinguer de celui qui concerne la diffusion de musique amplifiée ou l’animation dans les espaces ouverts.
- La possibilité pour le Réseau « Vivre la Ville ! » de représenter dans des groupes de travail de votre ministère les riverains de quartiers urbains dont la santé est exposée par les nuisances de l’animation nocturne et de travailler ainsi à la fois sur la question de l’alcoolisation et sur celle des dispositions relatives aux conditions d’exploitation des établissements (bars, restaurants, discothèques et autres) propres à générer des nuisances sonores.
- L’utilité de réunions interministérielles, notamment avec le ministère de l’intérieur pour préparer un chantier législatif et réglementaire.
Le compte-rendu en pdf avec des notes complémentaires
Lire également :
- Alcool et santé – INSERM – mars 2016
- Effets néfastes de l’alcool : impact du binge drinking sur le cerveau – INSERM
- La consommation d’alcool en France en 2014 – Evolutions – avril 2015
- Les cerveaux des adolescents plus vulnérables à l’alcool que ceux des adultes – INSERM – 11 février 2015
- Alcohol’s damaging effect on the brain – National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism – October 2004
- Effects of Alcohol on the Brain – February 2020
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