Acquérir une licence IV, qui coûte en moyenne 20 000€ à Paris, conditionne l’ouverture de tout débit de boissons qui veut servir tous les types d’alcool (des plus doux ou plus forts). Mais cette condition est aujourd’hui en péril.
Ce péril vient d’ores et déjà d’une pratique de contournement de la loi des « pseudo restaurants » qui servent quelques assiettes de charcuterie ou de fromages, simples alibis pour vendre de l’alcool. De cette façon, l’établissement revendique d’être uniquement tenu de se procurer une licence dite « de restauration » qui est gratuite et permet de servir de l’alcool en accompagnement d’un repas. De nombreux établissements se sont engouffrés dans cette brèche de contournement de la loi apparemment en toute légalité, en tous les cas du point de vue des termes formels de la loi.
Mais, du point de vue de l’esprit de la loi, il en va tout autrement, la loi est bafouée par ces pratiques de contournement. Effectivement, le législateur n’avait, en créant le régime en 1941, pas d’autre objectif que de contrôler les points de consommation d’alcool dans un objectif combiné de régulation de la concurrence et de prévention de ce que l’on nomme aujourd’hui l’hyper alcoolisation. Le lien entre la loi et la santé publique est irréfutable.
Le contournement de la loi par la pratique de certains affaiblit donc, par hypothèse, la protection de la santé publique, car il est propice à l’augmentation sans limites de l’offre d’alcool. Or, les autorités publiques rencontrent d’ores et déjà des difficultés pour maîtriser le risque d’hyper alcoolisation généré par les établissements munis de la licence IV. Risque que la loi tend, par ailleurs, à prévenir en réprimant l’ivresse sur la voie publique. De fait, les effectifs des polices municipales et d’Etat fondent. Le traitement des ivresses publiques n’est pas prioritaire en soi pour mobiliser ces effectifs, sauf quand la personne en état d’ébriété crée une situation de danger, notamment par son agressivité. Quand les « faux bars » prolifèrent, l’ivresse publique est de moins en moins contrôlable en termes pratiques.
Mais voici qu’un projet de loi sur la santé, proposé par le gouvernement au Parlement, tend à évacuer le problème d’une toute autre façon, prévoit la suppression pure et simple de la limitation du nombre de licences IV en abrogeant les deux articles du code de santé publique où l’obligation de licence IV siège aujourd’hui : L3332-1 et L3333-2.
Comment l’expliquer ?
De toute évidence, la ministre de la Santé, a été sensible aux complaintes des lobbys des alcooliers et débits de boissons, qui prétendent à être des piliers d’une économie tournée vers l’offre de loisirs et de tourisme et, pour cela, réclament d’être libérés de ce qui peut les empêcher l’installation d’un bar (le nombre de licences IV est aujourd’hui limité) ou rendre cette installation plus coûteuse (une licence s’achète). Mais la libéralisation économique comportée par le projet de suppression des licences IV sacrifie la mission de protection de la santé publique.
Au total, donc, le gouvernement pour satisfaire les alcooliers et le lobby des débits de boissons, abandonne-t-il sa mission de protection de la santé publique ?
Certains voudront défendre l’idée que non puisque, au même moment, la ministre de la santé prend des mesures contre l’alcoolisation massive : 15 000€ d’amende et un an de prison pour incitation au « binge drinking ».
Où est la cohérence dans tout cela?
D’aucuns leur rétorqueront que la cohérence est moins vertueuse. Elle pourrait tenir au fait que, en créant une nouvelle infraction, le gouvernement soigne son image, mais sans prendre le risque réel de déplaire aux lobbies, puisque la mise en œuvre de la sanction se heurtera de toute évidence à de nombreux obstacles (manque d’effectifs et autres arguties tenant à la preuve de l’incitation au « binge drinking »), alors que l’infraction de vente d’alcool sans licence IV est, elle, simple à traiter et donc à mettre en œuvre, ce qui est, dans la matière considérée, une condition de l’efficacité.
Un article paru dans Libération : Licence IV – le gouvernement prêt à faire péter le bouchon et un autre dans le 13 du mois : Sans licence IV dans le bar, combine au comptoir.
Quelles sanctions pour un bar qui vend de l’alcool sans pouvoir justifier d’une licence IV? Quelles sont les mesures à prendre par le maire, la gendarmerie?
Sans entrer dans les détails, c’est la fermeture qui est risquée. La gendarmerie doit faire des constats et la hiérarchie suivra si tout se passe comme cela devrait.
Par précaution, on peut faire un constat d’huissier que l’on mentionnera en appelant les gendarmes et dont on adressera copie au maire et au préfet par A/R.
Le riverain citoyen mécontent doit réagir avec force et demander une intervention immédiate des autorités pour faire respecter la réglementation : mairie, police, gendarmerie, préfecture de police…
A Toulon, l’hyperalcoolisation est un phénomène connu et traité de temps en temps comme le montre cet article.
Bonjour
Même phénomène à Nantes où l’établissement est enregistré comme établissement de restauration et s’affiche sur son site comme bar quand il ne se transforme pas en café concert.
ex : le bar LANDRU rue Lekain
N.Laigle